Un profil de réformateur au perchoir : Aimé Boji Sangara pressenti à la présidence de l’Assemblée nationale de la RDC .
( Analyse de Guelord Ndokuta, Journaliste Professionnel)
Une candidature en mouvement
Selon plusieurs médias congolais, Aimé Boji Sangara, élu du territoire de Walungu (Sud-Kivu) et cadre de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), est « fortement pressenti » pour succéder à Vital Kamerhe à la tête de l’Assemblée nationale.
Le 20 octobre 2025, il a démissionné de son poste de ministre de l’Industrie au sein du gouvernement Gouvernement Suminwa II afin de regagner son siège de député et de se positionner pour ce perchoir.
Le 21 octobre, l’Assemblée a pris acte de sa réintégration comme député.
Pourquoi ce choix ?
Plusieurs facteurs expliquent pourquoi Boji Sangara est aujourd’hui cité comme favori :
Il est perçu comme un homme jouant la carte de la majorité présidentielle (la plate-forme Union sacrée de la Nation).
Il a un ancrage politique dans le Sud-Kivu, ce qui peut servir à renforcer l’équilibre géographique dans les institutions nationales.
Surtout, il dispose d’un profil technique apprécié : ancien ministre du Budget, il a mené des réformes budgétaires importantes.
Le parcours budgétaire du profil pressenti
Avant d’entrer dans la course au perchoir, Aimé Boji a occupé le poste de ministre d’État, ministre du Budget (avril 2021 – août 2025).
Durant cette période :
Il a conduit l’adoption d’un « budget-programme » comme mode de gestion, avec l’objectif de le généraliser d’ici 2028.
Il a présenté un budget rectificatif pour 2025 qualifié de « budget de combat », adapté aux urgences sécuritaires, sociales et humanitaires, tout en s’inscrivant dans les engagements envers les partenaires internationaux (ex. Fonds Monétaire International).
Il a affiché une forte hausse des enveloppes budgétaires et engagé des réformes institutionnelles (nouveau décret sur la gouvernance budgétaire, manuel des procédures de dépense) et des programmes de coopération internationale.
Ce que pourrait changer sa présidence à l’Assemblée nationale
Si Aimé Boji accède à la présidence de l’Assemblée nationale, plusieurs changements peuvent être anticipés :
1. Renforcement de l’orthodoxie budgétaire
Sa maîtrise des enjeux budgétaires pourrait conduire à une meilleure discipline dans les engagements des ministères, à un suivi accru des lois de finances et peut-être à une plus grande exigence de transparence envers l’exécutif.
2. Une Assemblée plus attentive aux contraintes macro-économiques
Avec un président de chambre qui connaît les ficelles budgétaires, l’Assemblée pourrait davantage questionner les projets de loi de finances, exiger des rapports de performance ou des justifications budgétaires, et encourager l’alignement entre les priorités nationales (infrastructures, santé, éducation) et les moyens disponibles.
3. Dialogue avec les partenaires internationaux renforcé
Étant donné que Boji a négocié avec le FMI et d’autres bailleurs, l’Assemblée pourrait jouer un rôle plus actif dans le suivi des engagements extérieurs, ce qui pourrait rassurer les partenaires et encourager une collaboration plus étroite entre législatif et bailleurs.
4. Un agenda reformateur pour l’État et ses institutions
Sa logique de « budget-programme », de performance et de responsabilité pourrait irriguer le travail parlementaire : les commissions pourraient être incitées à adopter des approches plus results-oriented, les rapports d’activités et de performance pourraient se généraliser, les demandes de reddition de comptes pourraient se renforcer.
Les défis et les interrogations
Même s’il s’agit d’un technocrate, Boji doit aussi composer avec les logiques politiques propres à l’Assemblée (alliances, rivalités internes, équilibre régional, exigence des partis). La pression politique peut limiter certaines ambitions technocratiques.
Le président de l’Assemblée dépend de sa majorité. Son pouvoir réel dépendra de sa capacité à maintenir la cohésion de la majorité parlementaire et à nouer des compromis.
Les attentes de la population sont élevées, notamment en matière de transparence, de lutte contre la corruption et de résultats visibles. Le simple fait d’accéder à la présidence de l’Assemblée ne suffit pas : il faudra des actes concrets.
Les réformes budgétaires, même soutenues par l’exécutif, peuvent générer des résistances (ministères, régies financières, élus concernés). Il faudra gérer à la fois la réforme et le politique.
En conclusion, l’élection d’Aimé Boji à la tête de l’Assemblée nationale marquerait une rupture potentielle : d’un présidium davantage politique, on passerait vers un président de chambre à profil technique, réformateur et axé sur la gouvernance. Si cela se confirme, l’hémicycle pourrait devenir un outil plus actif de contrôle du budget et des finances publiques, et jouer un rôle plus incisif dans la trajectoire de réforme de l’État. Pour autant, la vraie mesure viendra des actes : davantage d’audits, de rapports, de lois de finances plus solides, et une appropriation parlementaire de la politique budgétaire du pays.
Analyse de Guelord Ndokuta, Journaliste Professionnel
